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Patrick Duvivier

Le monde des esprits selon Swedenborg


Swedenborg, le monde des esprits

Commençons par une remarque générale, qui a le génie de poser quelques grands principes, avant d'entrer dans les détails du paysage :

« L'univers en général a été distingué en deux mondes, l'un spirituel et l'autre naturel. Par le monde spirituel est entendu le monde où habitent et les esprits et les anges, et par le monde naturel celui où habitent les hommes.


Entre l'homme spirituel et l'homme naturel il y a cette différence, que celui-ci est revêtu d'un corps spirituel et celui-là d'un corps naturel. Or l'homme spirituel voit l'homme spirituel autant que l'homme naturel peut voir l'homme naturel. Par contre, s'ils ne peuvent pas se voir mutuellement, c'est à cause de la différence de nature et de degré qui existe entre le monde naturel et le monde spirituel. Il y a cette différence, que toutes les choses qui sont dans le monde spirituel sont d'origine et d'essence spirituelles, car elles proviennent toutes du soleil spirituel qui là, est pur amour. Tandis que toutes celles qui sont dans le monde naturel, proviennent du soleil qui là, est pur feu.


Ils sont tellement distincts l'un de l'autre qu'ils n'ont rien de commun entre eux, et qu'ils ne communiquent l'un avec l'autre que par voie de correspondances. »

( DA 83, 163 ; DS 62 ; CJD 36, 38)


Swedenborg fait ensuite une autre distinction majeure, cette fois entre « le monde spirituel » et « le monde des esprits » :


« Il faut que l'on sache que le monde des esprits et le monde spirituel sont deux choses différentes. Le monde spirituel comprend, dans le complexe, le monde des esprits, mais aussi les mondes supérieurs ou angéliques et les mondes inférieurs ou démoniaques.


Tout homme, après la mort, vient d'abord dans le monde des esprits qui se tient au milieu, et dans l'équilibre entre le Ciel et l'enfer. C'est un lieu ou un état moyen entre les deux. Là il remplit ses temps et ses états pendant une durée qui dépend de la vie qu'il a eue dans le monde. Par la suite, ou il s'élève dans les mondes angéliques, ou il chute dans les mondes infernaux. »

(DF 63 ; DA 140 ; CE 421-431)


L'image se précise, mais cela n'est encore qu'une carte. Allons voir de plus près ce qui se passe à présent sur le « terrain ».


« Il faut qu'on sache que dans le monde spirituel, ou dans le monde où se trouvent les esprits et les anges, il apparaît des choses semblables à celles que l'on voit dans le monde naturel où sont les hommes, tellement semblables qu'il n'y a aucune différence quant à leur aspect extérieur. D'après les choses que j'ai vues pendant tant d'années, je peux affirmer que dans le monde spirituel il y a des terres comme dans le monde naturel, qu'il y a des plaines, des montagnes, des collines et des vallées, ainsi que des sources, des rivières et des mers. Il y a des paradis et des jardins, des bois et des forêts, il y a des palais et des maisons, il y a des écritures et des livres, il y a des fonctions et des commerces. Il y a toutes les choses qui sont dans les trois règnes ainsi que toutes celles qu'on est habitué à voir dans le monde. En un mot, il y a, tant en général qu'en particulier, toutes les choses qui sont dans le monde naturel, sauf que ces choses y sont infiniment plus parfaites. L'univers du monde spirituel est donc absolument semblable à celui du monde naturel, avec la seule différence que les choses qui sont là ne sont ni fixes ni stationnaires, comme celles qui sont dans le monde. »

(CE 582, DA 321 ; CJD 37 ; AE 926)


Swedenborg commence souvent par annoncer une chose pour dire ensuite son contraire. Dans le monde spirituel on est homme exactement comme on était dans le monde, avec absolument tout, sauf que notre corps est esprit ! On y est nous-mêmes tels que nous étions sur la Terre, sauf que nous n'avons plus de moi externe (personnalité extérieure, la « persona » au sens Jungien). Tout y est identique, visible, solide, à tel point qu'on pourrait presque confondre les deux mondes et à peine réaliser qu'on est passé de l'autre côté, sauf que rien n'y est fixe et stable au sens matériel du terme.


« Dans le monde spirituel il n'y a point d'espace matériel, ni de temps qui y correspond. Néanmoins il y a des apparences d'espace et de temps, et ces apparences sont selon les différences des états dans lesquels y sont les esprits et les anges. Aussi les temps et les espaces y sont-ils conformes aux affections de leur volonté et par suite aux pensées de leur entendement.


Toutefois, ces apparences sont réelles, parce qu'elles sont constantes selon les états des esprits et des anges. La commune opinion sur l'état des âmes après la mort, et par suite aussi sur celui des anges et des esprits, c'est qu'ils ne sont dans aucune étendue par conséquent ni dans l'espace ni dans le temps.


D'après cette idée on dit qu'ils sont des souffles, dont on ne pense autre chose que ce qu'on pense de l'air, d'une vapeur ou du vent, lorsque cependant ils sont des hommes et des femmes substantiels qui vivent en société, comme les hommes du monde naturel, dans des espaces et dans une progression de temps déterminée selon les états de leur mental. Dans le monde spirituel, les distances et les présences sont des apparences selon le jeu des ressemblances et des dissemblances des affections. D'après ce qui vient d'être dit, on peut comprendre que les espaces et les temps sont les limites de toutes les choses qui sont dans l'un et dans l'autre monde, et que par suite les hommes aussi bien que les anges et les esprits sont maintenus dans certaines limites, non seulement quant à leur corps, mais aussi quant à leur âme. »

(VRC 29 ; DP 33)


Si le temps et l'espace y sont à ce point différents, qu'en est-il de notre environnement ?


« L'univers du monde spirituel représente l'homme en image, car toutes les choses qui l'environnent, apparaissent à la lumière et existent autour des esprits et des anges, ainsi que de leurs sociétés, comme produites ou créées par eux. Toutes ces choses existent selon les affections et les pensées des anges et des esprits, car ce sont des correspondances.


Comme les choses qui correspondent font un avec ce à quoi elles correspondent, c'est pour cela qu'elles en sont une image représentative.


Maintenant, puisque les choses qui existent autour des esprits et des anges selon leurs affections et leurs pensées, représentent une sorte d'univers, en ce qu'elles sont des terres, des végétaux et des animaux, et puisqu'elles sont une image représentative de l'ange, on voit clairement pourquoi les anciens ont appelé l'homme « microcosme ». Toutes les choses de l'univers représentent l'Homme en image. »

(DA 322, 323)

Si notre visage, notre corps, notre voix et nos gestes mêmes, sont appelés à se modifier progressivement pour devenir parfaite expression de ce que nous sommes intérieurement et de ce qui habite notre mental, notre environnement est lui aussi appelé à subir de profondes transformations. La réalité qui nous entoure est beaucoup plus plastique, plus fluide et plus malléable que cette réalité matérielle. Elle est comme une sorte de matrice ou de champ d'énergie subtile, qui réagit à ce que chacun rayonne, en accord ou en résonance avec les valeurs, les amours, les sentiments, les émotions, les pensées, mais aussi les images et les rêves qui nous animent.


« Dans le monde des esprits tous ceux qui ont été amis ou qui se sont connus dans la vie du corps se retrouvent et communiquent entre eux autant qu'ils le désirent, surtout les couples, mais aussi les frères, les soeurs, etc. Les époux qui ont vécu dans un amour véritablement conjugal ne sont pas séparés à la mort de l'un d'eux. En effet, l'esprit du défunt vit continuellement avec l'esprit de celui qui a survécu, et cela jusqu'à la mort de ce dernier. A ce moment, ils se retrouvent, se réunissent, et s'aiment plus tendrement qu'auparavant, parce qu'ils sont dans le monde spirituel. »

(A Conj 321)


Voilà une assertion qui peut donner confiance à tous ceux qui sont dans la douleur de la perte d'un proche et le déchirement de la séparation qu'elle représente. Il n'y a jamais de perte définitive, sinon qu'en ce monde, et encore, puisque nous continuons à communiquer avec eux d'une autre façon, plus intérieure. La séparation extérieure que nous impose la mort n'est donc que momentanée, car nous sommes appelés à retrouver tous ceux que nous avons connus, de près ou de loin en ce monde.


« Comme l'homme vit continuellement en communion avec les habitants du monde spirituel, c'est pour cela même que, lorsqu'il sort du monde naturel il se trouve aussitôt avec ses semblables, avec tous ceux avec lesquels il était en communion dans le monde. De là vient que chacun après la mort s'imagine vivre encore dans le monde, car alors il vit dans la compagnie de ceux qui lui resssemblent quant aux affections de sa volonté, et il les reconnaît comme les membres d'une même famille se reconnaissent. »

(VRC 607)


Dans l'autre vie, dès qu'un esprit se ressouvient d'un autre, cet autre esprit est présent, et même tellement présent qu'ils conversent ensemble. Dans l'autre vie, le ressouvenir conjoint. (AC 5229 ; DP 29)

« Toutefois ceux qui du monde des esprits passent dans le Ciel ou dans l'enfer ne se voient plus par la suite et ne se reconnaissent plus, à moins qu'ils ne soient d'une disposition semblable provenant d'un semblable amour. S'ils se voient dans le monde des esprits et non dans le Ciel ou dans l'enfer, c'est parce que les habitants du monde intermédiaire sont mis dans des états pareils à ceux qu'ils avaient dans la vie du corps, passant de l'un dans un autre, tandis que dans la suite ils sont tous ramenés à un état constant et semblable à l'état de leur amour dominant, dans lequel l'un ne connaît l'autre que d'après la similitude de l'amour. Car ainsi qu'il a été exposé, la ressemblance unit tandis que la dissemblance sépare. »

(Charle Byse - Cours trois à six, p. 52)


Ici aussi, le domaine du relationnel est soumis à la même loi que celle qui gère à présent nos esprits-corps spirituels, l'espace et le temps dans lequel nous évoluons, et les objets qui nous entourent. Lorsque nous passons dans l'autre monde nous retrouvons tous ceux qui nous ont devancés dans la mort. Nous y retrouvons les membres de nos familles, nos amis et nos relations d'antan. Mais nous venons aussi dans la société des esprits et des anges avec lesquels nous étions déjà, à notre insu, intérieurement conjoints lors de notre existence terrestre.


C'est une deuxième famille, différente de notre famille terrestre qui se dessine, pour prendre peu à peu le relais de notre sphère relationnelle terrestre. Notre famille spirituelle se constitue, celle dont tous les membres sont animés par des valeurs et des plaisirs de vivre communs. Nous nous unissons finalement avec eux pour former une nouvelle société d'esprits, une nouvelle sphère de conscience et de vie, un nouveau Ciel, ou un nouvel enfer.


Mais ne nous méprenons pas - si notre corps spirituel est la parfaite expression de ce que nous sommes intérieurement, que notre nouvel habitat est une sorte de projection « extérieure » de notre monde intérieur, et que les êtres avec lesquels nous y sommes liés partagent les même valeurs et les mêmes plaisirs que nous - cela ne veut pas dire pour autant que toutes ces choses ne nous soient pas aussi « extérieures », c'est-à-dire fondamentalement différentes de nous. Etre à ce point prisonnier de soi, serait évidemment un cauchemar. Certes, la ressemblance unit et la dissemblance sépare, mais en même temps, Swedenborg le souligne constamment, l'union se fait, toujours dans la différence. Il y a une distinction majeure à faire entre la dissemblance et la différence.


Imaginons une société entière qui adopterait les droits de l'homme comme fondement même de toute vie sociale, celle de tous ses corps et membres constituants, jusqu'à chaque individu qui la constitue. Cette société partage une valeur commune, qui n'exclut en rien la diversité des personnes qui en font partie. Dans cet exemple, cette valeur fondatrice serait un peu comme le centre du "mandala" infiniment diversifié que forme toute société humaine.


Les droits de l'homme véritablement intégrés à la vie de tous les individus qui constitueraient une telle société, jetteraient sans conteste les bonnes bases pour un paradis sur Terre. Il faudrait encore ajouter au respect des « droits de l'homme », l'exercice quotidien de la compassion et la constante recherche de la connaissance, pour qu'un véritable paradis soit possible. Si cela n'est pas possible ici-bas, cela le devient dans l'au-delà. Cela aussi peut être une véritable source d'espérance pour tous ceux qui ont à coeur le bien et la justice en toute chose.


Avant d'aborder la question des mondes supérieurs et angéliques, prenons encore le temps de nous pencher sur un autre enseignement de Swedenborg au sujet de notre future destinée.


« Chacun dans l'autre monde a une mesure déterminée. Cette mesure chez chacun est remplie dans l'autre vie. Pour certains cette mesure est plus grande tandis que pour d'autres elle est plus petite. Cette mesure est acquise dans le monde. Les limites et les degrés d'extension de cette mesure sont clairement visibles dans l'autre vie et s'ils ne peuvent pas y être dépassés, ils y sont en actualité remplis. Cette mesure est la faculté, acquise dans le monde, de recevoir le bien et le vrai, ou le mal et le faux. »

(AC 7984)


Il y a donc une sorte de « karma » terrestre qui agit sur notre destinée supraterrestre. A travers notre existence en ce monde s'est formée une personnalité particulière. A l'intérieur de celle-ci il y a une qualité et une capacité d'ouverture particulières qui nous caractérisent vraiment. Aborder la personne sous l'angle de sa façon unique à appréhender les énergies positives ou négatives de la vie, est déjà fascinant en soi. De souligner que cette réalité devient plus que jamais visible et perceptible dans la lumière de l'autre vie, opère un renvoi en miroir sur notre vie présente. Quelle est l'amplitude, la profondeur et la hauteur particulière de mon ouverture aux choses de la vie, aux autres et au Sacré ? De celle-ci dépendra en grande partie la mesure de nos destins outre-tombe.


L'être humain n'est pas seulement un animal, c'est aussi et par dessus tout un être moral, qui va être amené à confronter, en lui et autour de lui, ce que le langage théologique nomme le bien et le mal, que l'on pourrait mieux traduire aujourd'hui par : énergies de vie, créatrices, positives, lumineuses, ou énergies de mort, destructrices, négatives et obscures. Energies entendues ici au sens de forces, de pouvoirs ou d'esprits, positifs ou négatifs.


« Tous les états d'affection du bien et du vrai dont l'homme a été intérieurement gratifié, depuis sa première enfance jusqu'à la fin de sa vie, sont serrés en lui pour l'usage de sa vie après la mort. Ces états sont les "reliquiae" que le Divin conserve chez l'homme, et qu'il renferme dans son homme interne sans qu'il en sache absolument rien. Tous ces états sont ainsi conservés par le Divin chez l'homme, afin que le plus petit d'entre eux ne se perde pas. C'est ce qu'il m'a été donné de reconnaître en ce que ces états reparaissent tous jusque dans leurs plus petites circonstances. Chaque état de l'homme non seulement reste dans l'autre vie, mais encore « revient » même, tout à fait tel qu'il avait été lorsque l'homme vivait dans le monde. En effet tous les états de sa vie « reviennent » successivement dans l'autre vie. C'est pourquoi, plus il a reçu de bien et de vrai dans la vie du corps, plus ses autres états (dérivés) sont beaux et agréables, quand ils reviennent. » (AC 1906)


« Toute qualité spirituelle que nous adoptons dans ce monde reste après la mort. Chacune de ces qualités est développée, enrichie et perfectionnée à éternité. Tous ceux qui dans le monde se sont acquis de l'intelligence et de la sagesse, sont reçus dans le Ciel et deviennent anges, chacun selon sa qualité et la quantité d'intelligence et de sagesse. En effet, tout ce que l'homme s'acquiert dans le monde, il le garde et l'emporte avec lui après la mort, et cela aussi est augmenté et complété, toutefois dans le degré de son affection et de son désir du vrai et du bien, mais non au-delà de ce degré. »

(JD 12 ; CE 349)

Chaque homme-esprit a une mesure qui est remplie dans l'autre vie, et tout ce que nous avons vécu dans ce monde, non plus extérieurement mais intérieurement, « remonte », « reparaît », et « revient ». Swedenborg est toujours obligé d'inventer toutes sortes d'expressions nouvelles pour décrire une réalité qui échappe manifestement à notre langage actuel. C'est à travers ce mystérieux phénomène de « remontée » ou de « réminiscence » que le Divin va pouvoir développer, « actualiser » les prémices de la sagesse qui avaient été implantées en nous dans le monde. Le monde des esprits n'est donc qu'une étape préliminaire, un marchepied qui va nous permettre de nous propulser ensuite vers notre véritable planète, la sphère de vie et de conscience qui nous correspond.


« Dans le monde des esprits se trouvent des multitudes, parce que c'est là que tous ceux qui ont vécu arrivent d'abord et c'est là que chacun est sondé, évalué et préparé pour sa demeure éternelle. Il n'y a point de terme fixe pour la durée du séjour de chacun dans ce monde. Quelques-uns, à peine arrivés, sont aussitôt ou élevés dans le Ciel ou précipités dans les enfers, d'autres n'y séjournent que quelques semaines, et d'autres encore plusieurs années. Les différences dans la durée du séjour dépendent de la conformité plus ou moins grande chez l'homme entre ce qu'il est intérieurement et ce qu'il est extérieurement. »

(CE 426)


« Tout homme après la mort suit le chemin de son amour, vers le Ciel celui qui est dans un amour bon, et vers l'enfer celui qui est dans un amour mauvais. Il ne s'arrête que lorsqu'il se trouve dans la société qui correspond à son amour régnant. Car après la mort, l'état de chacun est spirituel et consiste en ce qu'on ne peut être ailleurs que dans le plaisir de son amour, amour que l'on s'est acquis par sa vie dans le monde naturel. Après la mort, il n'est refusé à personne de monter dans les Cieux. Le chemin en est montré, l'occasion en est donnée et on y est introduit, mais il n'y a pour l'homme-esprit de véritable repos que dans la société de son amour. »

(DP 319 ; CJD 21)

 

Source:

Site internet: http://emmanuelswedenborg.info/enseignements/lavieapreslamort/mondeesprits.html

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